DAY 1

La voyageuse immobile se mets en mouvement

Vendredi 7 Juin
15° Oslo - Longyearbyen

Enfant, déjà, j’étais une voyageuse immobile, parcourant le monde grâce aux mots des livres ouverts sur mes genoux.
Initiée par ma mère aux lectures des grands explorateurs des Pôles, je vivais intensément  les récits des expéditions de Paul Emile Victor, de Jean-Louis Etienne, Alexandra David-Néel, tellement inspirante. Plus tard, les ethnologues comme Lévis Strauss, Philippe Descola, sociologues comme Kenneth B. Clark, entre autre, me permirent d’élargire mon champs de connaissances et d’interprétation du monde, d’en percevoir la diversité et la richesse. Chacun de ces êtres intrépides à la curiosité insatiable m’ont transmis leur passion pour un ailleurs, peuplé d’autres sociétés aux modes de vie si différents du nôtre.
Ce rêve, ce désir, cette soif de découvertes et d’expériences sont toujours vivants en moi.
J’ai aujourd’hui la chance immense de pouvoir enfin réaliser ce rêve d’enfant, explorer Svalbard, tout au bout du monde, et de concrétiser ma volonté d’artiste de témoigner à mon tour sur l’Arctique par une œuvre polaire.

J’allais vivre une résidence d’artiste le longs des côtes arctiques, sur un voilier de 3 mâts, en compagnie de 30 artistes du monde entier.

Mon projet artistique : du Land Art.

J’installerai des couvertures de survie sur la banquise

exprimant par cette association,

la détresse du vivant sur la Terre.

DAY 2
Allégresse  !

Samedi 8 juin
Longyearbyen 5°

L’allégresse que je ressens en posant le pied sur cette terre symbolique et tant désirée me rassure sur le bien fondé de ma présence au Svalbard. Elle efface la  culpabilité qui m’a accompagnée dans la préparation de ce projet – aller sur ce territoire fragile, prendre l’avion etc –
Je pense aux termes et au but de ce voyage d’étude qui sont, entre autre de développer des approches de l’éthique environnementale et d’éco-psychologie.
Notre expédition en voilier est totalement dédiée à la découverte respectueuse de l’environnement. Tout est fait pour limiter l’impact de notre présence sur le milieu naturel. Pour porter un message à nos publics respectifs, il est important pour nous, les 30 artistes et chercheurs présents à bords de vivre ensemble cette immersion sur le terrain, échanger nos pensées,  confronter et affiner nos pratiques, nos visions, nos connaissances, nos croyances.
Je suis au Grand Nord et cela est bon.

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DAY 3

Sororité et éco-féminisme

Dimanche 9 juin
Longyearbyen 3°C

29 artistes embarqués, 21 femmes et 8 hommes. C’est assez rare pour être souligné. La sororité s’est vite installée entre nous en toute amitié avec les hommes présents.
Une majorité féminine donc, dans les artistes présents mais aussi dans l’équipage de bord. Nous avions nos amazones armées pour nous protéger des ours blancs !
Une sororité s’est créée sur le bateau, une entente générale s’est installée, une harmonie, une compréhension mutuelle. Tout le monde à les yeux brillants de curiosité et d’humour, de joie et d’émotion d’être là.
Photographes, écrivain et artistes, biologistes, informaticiens, journaliste réunis tout en haut du monde pour documenter des sujets tels que le réchauffement climatique, la fonte de la banquise, la montée des océans, la submersion des villes côtières, les réfugiés climatiques, la pollution plastique, le changement nécessaire de nos mentalités…

Je me déclare eco-feministe car j’adhère à la conception de Ségolène Royal, Vandana Shiva et de tant d’autres encore établissant un parallèle avec la manière dont on traite la Terre et les femmes. »

Il existe des similitudes et des causes communes aux comportements de domination et d’oppression des femmes et aux comportements de non-respect de la nature4, qui contribuent au saccage environnemental5

DAY 4

Ma production artistique au Svalbard

Lundi 10 juin
Gnålodden – Samarinvågen 7°

La recherche de ma pratique artistique fut assez simple. J’ai réfléchi à la forme que prendrait ma production là-bas pour préparer le matériel nécessaire. J’optais rapidement par la pratique du Land Art. Pour placer le décor exceptionnel de ces îles glacées au centre de mes installations, je cherchais une solution écologiquement amicale, économique et légère. Bien sûre, je voulais obtenir aussi un effet visuel de bonne qualité. Plusieurs hypothèses furent envisagées, rejetées  pour cause d’infaisabilité. Le terrain est plutôt rétif au Spiztberg.

Aux infos, l’image de réfugiés couverts de couvertures de survie de couleur or m’a sauté au yeux.

L’or habillant la détresse…

Je vis cet objet comme un message, installé sur les rives du Spitzberg, sur les glaciers agonisants, sur le désert de pierre, sur la banquise fondante.

DAY 5

Un voyage d’étude d’une artiste éco-feministe

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Mardi 11 juin
Isfjorden : Longyearbyen - South 6°C

Ce voyage a pour but de réaliser une œuvre qui permette  de porter la voix, porter un message, celui d’une femme artiste éco-feministe au Pôle Nord. L’archipel du Spitzberg est spécialement mis à mal par l’anthropocène. Il en est le lieux, l’expression, le symbole même. Victime et bourreau dans les processus engagés de montée des eaux et de submersion des zones côtières.

DAY 6

Splendeur et misère

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Mecredi 12 juin
Hornsund : Samarinvågen – Brepollen : Tviryggen – North 3

Nous posons l’ancre au fond d’un fjord, devant un glacier, pour y passer la nuit et la journée suivante.
Les commentaires de l’équipage tempèrent notre émerveillement : “il y a 10 ans le glacier avançait jusqu’à l’entrée du fjord, il a considérablement reculé. ” Des cartes de relevés de glaciation affichées dans le carré en attestent, et l’immense façade de glace est à présent au ras de la terre, ou presque, et cela était vrai pour la majorité des glaciers que nous avons approchés.
Contempler cette majesté et cette grandeur nous emplit de joie et de gratitude.
La tristesse n’en est que plus violente, de lire leurs fins dans les crevasses qui les fissurent.
Soudain, un pan entier de glace, de la taille d’un immeuble, s’écroule sous nos yeux.

L’onde de choc atteint le bateau et nos cœurs. Mentalement nous chavirons.

DAY 7

La beauté

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Jeudi 13 juin
Bellsund : Recherchebreen – Midterhukfjellet –
Fridtjovhamna 3°C

Inspiré par le récit de mon voyage, Rafaël nous en livre sa vision poétique :
La coque baignant dans la fraiche eau de l’Arctique, notre navire se laisse emmener, tranquillement, par le souffle du vent. Le glissement de l’eau sur notre bateau n’altère pas cet imperturbable silence.
La mer d’huile s’endort éclairée par le brûlant soleil de la Nuit, rien ne puisse faire frissonner la quiétude d’une Nature qui nous berce chaudement dans le froid.
Des petits de morceaux de glace d’un blanc cristallin nous effleurent.

DAY 8

Le rythme de la mer

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Vendredi 14 juin
Bellsund : Fridtjovhamna – North 8°C

Inspiré par le récit de mon voyage Rafael nous livre sa vision poétique :
Nous voguons sur mer d’huile, une sérénité en litre versée sur un océan sucré. Rien ne semble pouvoir perturber cette éternelle étendue de banquise lisse baignant dans le cristal d’une eau où se reflète la lumière du soleil.
Soudain, notre navire se met à tanguer, une série d’ondes troublent notre chemin et obscurci l’océan. Le grondement des énormes morceaux de glace qui viennent s’abattre sur l’eau nous rappelle le tonnerre.

DAY 9

Un paysage brutaliste

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Samedi 15 juin
Krossfjorden : Lilliehöökfjorden : Lilliehöökbreen 1°C

Svalbard, tout en haut du monde. Des montagnes, des fjords, des glaciers. Un paysage brutaliste. Aucune frondaison ne vient distraire l’œil du voyageur. La gamme colorée est restreinte. Blancs, gris, bruns, bleus, noirs.

DAY 10

Les pierres se brisent

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Dimanche 16 juin
Kongsfjorden : Blomstrandhamna 5°C

Svalbard et ses terres minérales, jonchées de pierres, de roches, d’une incroyable diversité, retraçant pratiquement toute l’histoire de la planète. Ces pierres subissent  de la cryoclastie. Infiltrées par l’eau glaciale. Les cycles de gel et dégel de l’eau les façonnent. Puzzle arctiques, elles sont appelées  » les livres des Trolls »

DAY 11

La terre chauffe

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Lundi 17 juin
Kongsfjorden : Blomstrandhamna – Blomstrandbreen – Ny
Ålesund 8°C

Du bateau, on aperçoit une matière grisâtre dévorer irrésistiblement l’intérieur des glaciers. Leur blanc immaculé se consume dans la fournaise et laisse place aux roches charbonneuses de l’enfer. Ce que la nature bâtit en des millions d’années, l’avidité de l’homme le détruit en quelques décennies.

DAY 12

Les voix des glaces

Mardi 18 juin
Ny Ålesund – North 5°C

Le paysage est aussi sonore.

Toutes ces glaces émettent un son particulier.

Bubble, gloup’s  gloup’s ! de l’air millénaire qui crève à la surface, ping, ping,  goutte à goutte, ruisseaux,  torrents.

Les bang ! des glaciers, les Crack ! de la banquise

DAY 13

Arctic voices

Mercredi 19 juin
North – West Corner : Ice – Ice – Ice 4°C

I heard, there crakings,
the bombing noises
Of the falling peaces

Those voices, thoses noises
They were shouting,
they were shouted
about climat war.

And they said
they have lose it.
Thoses voices said we all lose

Svalbard – Antigua sailing ship –
18 juin 2019

DAY 14

La confiance est rompue

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Jeudi 20 juin
Forlandsundet : Engelsbukta – Sarstangen – Sint
Jonsfjorden 7°C

Au Svalbard, comme dans la plupart des lieux touchés par le dérèglement climatique, l’antique confiance entre les habitants et la nature est rompue. L’insécurité règne. Le réchauffement climatique a perturbée l’osmose avec l’environnement. Les éléments sont hostiles, la météo imprévisible. En 2015 et 2018, Longyearbyen, pour les premières fois de son histoire, a été touché par des avalanches, provoquant 2 morts et de nombreux blessés. 180 Svalbardiens doivent évacuer leur maison en catastrophe, puisqu’ils se trouvent désormais dans une zone à risques. Ils ont une heure pour ramasser leurs effets et vider les lieux.

DAY 15

Des destins liés

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Vendredi 21 juin
Sfjorden : Pyramiden – Nordenskiöldbreen - Skansbukta 10°C

Aujourd’hui, nous étions peu nombreuses à bord.
Une quinzaine de personnes
est à terre, en excursion pour la journée,
Navigation calme
Prise de vues avec des modèles j’ai peints et j’ai médité sur le pont.
Je vous livre le sujet de ces réflexions :

Sous les pieds de peuples entiers, la terre se dérobe,
leurs destins plugués en directe avec la banquise.
fonte = hausse des niveaux marins = submersion
Si nous n’agissons pas sur l’émission de gaz à effet de serre, inéluctablement, ces peuples assisteront, par centaines de millions, à la disparition de leurs sols, gouvernements, institutions, submergés, engloutis, disparus dans l’eau des océans.
Leurs vies … une ligne d’horizon
L’Abstraction
Le Rien Le Néant

Par conséquent tous nos destins sont liés eux aussi à celui de l’Arctic,
car cette multitude, ces écoréfugiés, évacuée, traumatisée chercheront l’hospitalité chez ses voisins. Or, il n’est pas facile d’accueillir des gens que l’on a pas invités surtout si l’on n’a rien préparé. Certains pays on commencé à négocier l’after…Mais ça va être tassé, tout ce monde là.
Pas facile…
Alors l’état d’esprit est déterminant.
Réaliser, admettre, encaisser, anticiper,
organiser matériellement
et se préparer spirituellement
Nous pouvons encore choisir, un peu…
De nos choix dépends le Futur

DAY 16

Une multitude de glace

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Samedi 22 juin
Forlandsundet : Sint Jonsfjorden : Gjertsenodden –
Eidembukta. 9°C

La glace n’est jamais la même. Elle présente infinité de textures, grumeleuse, lisse ou strillée comme une peau d’éléphant, une infinité de transparence, opaque, opalescente, parfois aussi claire que du cristal, de volume, en blocs grands comme des immeubles, ou en glaçons juste à la taille pour rafraîchir un verre d’Aquavitt ! Elle est aussi différente dans les sons qu’elle émet. Car la glace parle ! Les termes inuktitut – inuit – pour la neige et la glace établissent souvent des distinctions très subtiles entre un nombre extrêmement élevé de qualités de neige et de glace.

DAY 17 & 18

Le bonheur

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Dimanche 23 juin et lundi 24 juin
Skansbukta – Longyearbyen

« Le bonheur est lié à la contemplation, plus on possède la faculté de contempler, plus aussi on est heureux, heureux non pas par accident, mais en vertu de la contemplation même, car cette dernière est par elle-même d’un grand prix.» Aristote, Ethique à Nicomaque, 1178b
Des journées entières passées à contempler les rives du Spielberg, les glaces, l’océan … le bonheur !

DAY 19 & 20

L’éternité

Mardi 25 juin et mercredi 26 juin
Longyearbyen

Le sentiment d’éternité d’un jour sans fin