Démarche Artistique
Mon parcours s’inscrit dans une tension entre engagement écologique et quête d’apaisement.
Du land art à la peinture figurative, mon travail explore la fragilité du vivant à l’ère de l’Anthropocène.
Une évolution nécessaire
Du land art engagé…
Pendant plusieurs années, j’ai consacré ma pratique au land art et aux installations environnementales. Mon travail abordait sans détour les thèmes du réchauffement climatique et de la pollution plastique. J’inscrivais mes gestes directement dans la terre, la mer, la matière des rebuts, avec l’intense désir d’alerter sur la destruction en cours.
Ces œuvres portaient une urgence brutale : confronter le spectateur à l’évidence de la catastrophe, matérialiser les traces indélébiles de notre activité. “Gold on Ice”, “I can’t breathe”, “Dear Blue Planet” — autant de cris d’alerte qui utilisaient le paysage comme scène de la dénonciation.
…à la peinture de paysages
Mais à force d’œuvrer dans la dénonciation, j’ai éprouvé une fatigue humaine, une impasse inhabitable. La brutalité du constat était devenue insupportable pour moi et pour le public. Personne ne voulait vivre avec ces œuvres qui rappelaient sans cesse la catastrophe.
J’ai alors décidé de déplacer mon regard. Ce changement n’est pas une rupture, mais un prolongement : là où le land art interpelait par l’immédiateté du matériau et du geste, la peinture propose une temporalité plus longue, une mémoire silencieuse.
La peinture comme témoignage
Aujourd’hui, je peins les paysages de l’île d’Égine, où je vis. Ces toiles ne sont pas de simples célébrations esthétiques : elles deviennent archives d’un monde en sursis. Chaque paysage que je peins est une mémoire anticipée d’un lieu menacé.
Une peinture de mémoire anticipée
Je peins la nature avec la conscience aiguë qu’elle va disparaître, brûlée par les incendies toujours plus fréquents, toujours plus intenses ? décimée par le dérèglement climatique ou engloutie par l’urbanisation ? Chaque arbre, chaque parcelle de végétation vierge, chaque côte que je fixe sur la toile porte cette conscience de la fragilité.
On contemple non pas un simple paysage, mais un espace voué à disparaître. La question qui traverse mon travail : “Que verra-t-on encore demain ?”
Le paysage à l’ère de l’Anthropocène
La peinture de paysages, qui a souvent été un genre “traditionnel”, prend un tout autre sens à l’heure de la crise écologique. Ce n’est plus une célébration innocente de la nature, mais une documentation de ce qui s’efface. C’est une peinture de la fragilité, une peinture “pour après”.
Entre beauté et mélancolie
Mon travail assume une ambiguïté fondamentale : offrir de la beauté, de la douceur, peut sembler en décalage avec la crise. Pourtant, c’est une forme de résistance.
Une peinture de mémoire anticipée
“Peindre la nature aujourd’hui, ce n’est pas s’abstraire de la crise, c’est offrir un espace de réconfort, une parenthèse qui contraste avec la dureté du monde. Mais c’est aussi reconnaître le vertige qui nous hante tous : ce paysage va disparaître.”
Une lucide consolation
Je ne suis pas dans la naïveté mais dans ce que j’appelle la “consolation lucide”. Face à un monde saturé d’images de catastrophes, mes toiles offrent une respiration qui rééquilibre le regard. Le réconfort et la contemplation ne masquent pas la mélancolie du monde perdu, ils préparent le regard à la mémoire.
Mes paysages sont comme des lettres d’amour adressées à la beauté fragile des lieux, à cette lumière qui glisse sur les arbres trop anciens, à une côte qui s’effrite un peu plus chaque hiver. Je cherche moins à convaincre qu’à consoler, et à faire mémoire par la couleur de ce qui risque de s’effacer sous nos yeux.
Un engagement transformé
Une résistance têtue
Perdurer dans son être d’artiste.
Contempler sans consommer
Sauvegarder par le regard partagé, via l’acte de peindre ce que le monde détruit.
Documenter la fragilité du paysage, c’est résister à sa banalisation et à sa destruction.
Egine, cette ile comme lieu de résonance
L’île d’Égine que j’habite et que je peins devient un lieu de résonance. C’est une histoire d’amour. On ne peut vouloir protéger que ce que l’on aime. C’est une histoire tragique. Ce territoire insulaire ancre mon travail dans le local, ici, maintenant, dans le tangible, tout en portant une portée universelle. Chaque toile porte, discrètement, la tragique mélancolie
de l’Anthropocène.
Une peinture de mémoire anticipée
Concepts clés de ma démarche :
Mémoire anticipée : peindre ce qui va disparaître pour en garder trace
Résistance silencieuse : un engagement politique discret par la beauté
Consolation lucide : offrir du réconfort sans nier la catastrophe
Archive du vivant : la peinture comme document d’une nature menacée
Témoignage sensible : rendre compte de la fragilité par l’émotion esthétique